L'un des plus
remarquables accidents qu'offre la nature
pittoresque des Vosges aux environs de Saverne, est
celui qui forme la grotte de Saint-Vit; elle
s'ouvre dans l'une des montagnes situées de
l'autre côté de la Zorn,
vis-à-vis du Haut-Barr et des châteaux
de Geroldseck. Creusée au milieu d'un
énorme rocher d'une seule pièce, elle
mesure près de sept mètres de
largeur, sur trois de hauteur. Sa profondeur n'a
pas moins de quinze mètres. Vers le fond,
elle acquiert une élévation
considérable qui, au premier coup d'oeil.
semble être l'oeuvre de la main des hommes.
Les parois effacées par le temps sont
couvertes de couches moussues que les
siècles y ont déposées.
Elle fut
habitée jadis par des ermites, et l'on voit
encore sur le devant une pierre où sont
inscrites les épitaphes de deux d'entre eux,
morts, l'un en 1651 et l'autre en 1702. Une antique
chapelle, dédiée à Saint-Vit,
était située au haut du plateau dont
ce rocher est surmonté; elle tomba en ruines
et fut transformée, pendant la
révolution, en une maison d'exploitation
rurale. L'autel du Saint est resté dans
cette maison d'où la dévotion le
retira, pour la véritable chapelle de
Saint-Vit.
Ce Saint qui
continue à y être
vénéré, fut, selon la
légende, jeté, par ordre de
Dioclétien, dans de la poix bouillante et du
plomb fondu; mais par miracle il sortit de cette
brûlante épreuve sans avoir
éprouvé la moindre douleur.
Exposé ensuite à des lions furieux,
ceux-ci se couchèrent aux pieds du Saint
sans lui causer le moindre mal.
La chronique
rapporte que ses reliques furent
transportées, au 8ème siècle,
à Paris, et au 9ème dans l'abbaye de
Corbie en Westphalie. Saint-Vit est invoqué
dans plusieurs contrées pour la
guérison d'une maladie convulsive, connue
sous le nom de Danse de Saint-Guy.
Cette maladie
que l'on a attribuée longtemps à
l'influence du démon, était devenue,
en 1418, en un mot endémique en Alsace. A
Strasbourg, des centaines d'hommes et de femmes, se
mirent à danser, à sauter en plein
marché, dans les rues et sur les routes.
Ces malheureux, sur l'ordre des magistrats,
étaient transportés à la
chapelle de Saint-Vit, où ils
assistèrent au service divin, et
étaient conduits en procession solennelle
autour de l'autel; ils y laissaient une partie des
aumônes qu'ils avaient reçues, et la
plupart du temps presque tous s'en retournaient
guéris.
On cite, au
moyen-âge, de nombreux cas, où toute
une foule était subitement frappée de
ce délire contagieux. Le 15 juin 1237,
à Erfurt, une bande de garçons et de
filles, au nombre de plus de mille, furent tout
à coup saisis par cette extraordinaire
fureur de la danse ; ces enfants sans discontinuer
de danser, se transportèrent à plus
de quatre lieues de la ville, et leurs parents
furent obligés, le lendemain, de les ramener
en voiture.
Pour en
revenir au pèlerinage de Saint-Vit, nous
disons que les femmes sujettes à des
maladies hystériques viennent encore
invoquer le saint. Jadis elles déposaient
sur l'autel des crapauds de fer dans l'espoir
d'être guéries par cette bizarre
offrande qui semble avoir survécu au
paganisme.
Le Cardinal
Louis-Constanin Rohan, dans sa visite
épiscopale en 1758, fit la défense
d'exposer désormais sur l'autel de Saint-Vit
des crapauds de fer, des marmousets ou autres
signes superstitieux; mais malgré cette
interdiction, cette coutume curieuse s'est
continuée jusqu'à nos jours. La
fête de Saint-Vit se célèbre le
premier dimanche de mai à la chapelle de la
grotte où elle attire encore de nos jours
une foule considérable de
pèlerins.
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